Made with racontr.com

   Enfin arrivée à Antibes ! Je croyais que ce trajet n’en finissait plus. Maman avait refusé que je prenne l’avion toute seule. « Non, Jeanne, tu es encore bien trop jeune ! » m’avait-elle rabâché pendant des jours et des jours. Et Papa de surenchérir : « Tu connais ta mère ? Non, c’est non. En plus, chérie, le train, c’est beaucoup plus écologique ! ». Humpf ! Voilà pourquoi j’ai dû me coltiner huit heures de train depuis Strasbourg au lieu de la toute petite heure et demie d’avion qui m’attendait à bras ouverts ! Bon sang, j’ai treize ans quand même, je ne suis plus un bébé !

     Au fait, je m’appelle Jeanne Weber. J’habite à Barr, un petit village alsacien situé à trente minutes au sud de Strasbourg. Je viens de finir mon année de cinquième au collège public. Les vacances d’été commencent donc tout juste pour moi et mes parents ont eu l’idée géniale de m’envoyer dans le Sud chez mon oncle pour profiter de  la mer et du soleil. Je ne critique pas du tout cette idée, bien au contraire : c’est la première fois que je visite la Côte d’Azur. Mais je maintiens, l’avion aurait quand même été plus pratique.


     Il est tout juste trois heures moins quart de l’après-midi. La température extérieure est étouffante. J’ai bien fait de ne prendre que des tenues légères.

        « Bonjour, Jeanne. J’espère que tu as fait bon voyage ! »

     Mon oncle Philippe vient à ma rencontre. C’est un homme grand et massif qui tend à s’approcher petit à petit de la quarantaine si on considère l’apparition de ses quelques cheveux blancs. Il est souvent venu en Alsace à la maison, boire du Riesling, manger de la choucroute et profiter des marchés de Noël. Mais moi, je n’avais jamais mis les pieds chez lui. On s’est toujours très bien entendu, malgré ce peu de temps passé ensemble. Il a toujours su me faire rêver à travers toutes ses histoires qu’il me racontait lorsqu’il venait à Barr : la mer, l’aventure,  la chasse au trésor, les pirates, les dauphins, les criques… J’adorais me représenter ces scènes océanes dans la tête. Il y en a même une que j’ai gravée au plus profond de ma mémoire : un saut de baleine au coucher du soleil. Que j’espère voir en vrai, un jour !



alt

Blbllllblllblll

Le Riesling est un vin blanc originaire de la vallée du Rhin et de la Moselle (Alsace-Lorraine).

En Mer avec le GREC

   La lecture est passionnante. Mais petit à petit, les caractères du papier se mettent à danser devant mes yeux. Les images se mélangent les unes aux autres. Puis la fatigue du voyage me submerge totalement...

alt

     Les sauts de baleines et de dauphins hors de l’eau sont appelés des breaching [prononcer brit-tchin'-gue]. Ce mot anglais signifie au sens propre faire un trou dans l’eau. Etant donné que ces mammifères ne parlent pas notre langage, on ne connait pas la signification exacte de ces sauts mais les scientifiques ont plusieurs hypothèses.


  Les baleines et les dauphins sautent également pour assommer ou attraper des proies. On appelle cela le lunging [prononcer leun-gin'-gue] qui signifie en français bondirs'élancer.

 

     Mon oncle se saisit de mon sac de voyage et tous deux, nous sortons de la petite gare d’Antibes. Le soleil m’aveugle instantanément alors je saisis ma paire de lunettes au fond de mon sac à main. Je me sens tout de suite plus intégrée parmi les autochtones. Moi, la jeune fille du Nord-Est avec ma peau d’albinos, j’ai au moins un article sur moi que tout le monde porte également dans cette ville. Mon oncle éclate de rire : « On dirait que tu as déjà pris le pli d’ici… ». Je lui réponds par un sourire radieux. Les vacances ne font que commencer et pourtant, je me sens déjà comme chez moi.

           

     Les roues de la voiture crissent sur les graviers devant la petite maison du 23, boulevard du Val Claret. Après avoir coupé le contact, Philippe quitte l’habitacle, récupère mon gros sac de voyage dans le coffre et va ouvrir la maison. Je m’empresse de jeter un coup d’œil rapide à mon téléphone portable. Déjà cinq SMS en attente dont… Trois de Maman.


     Quelle « spammeuse » ! Je l’appellerai plus tard. En attendant un simple « Tout va bien, je suis chez Philippe. Je t’aime. » suffira. Je récupère mon sac à main, quitte la voiture et galope jusqu’à la porte d’entrée avant de la refermer derrière moi.

     La maison est fraîche, ça fait du bien. Philippe me fait rapidement visiter les lieux.

       «  Je dois retourner au travail, me dit mon oncle après m’avoir donné deux sandwichs faits maison et servi un grand verre de limonade. Nous sommes en train de préparer la sortie de demain avec l’association.

     -  La sortie de demain ? demandai-je, déçue de ne pas pouvoir visiter Antibes avec mon oncle. Tu ne seras pas là de toute la journée ?

      - Non, mais toi non plus. Je dois encore m’arranger avec quelques collègues mais je compte bien te faire découvrir mon univers…

       - Ton univers ? Tu veux dire ta vie de pirate sanguinaire naviguant sur les flots et dépouillant tous les navires de leurs richesses ? »

    Mon oncle éclate de rire et me donne une tape sur l’épaule.

      « Sérieusement ? Depuis toutes ces années, tu n’as que cette image de moi ?

     - J’ai préféré garder celle-là plutôt que celle d’un mec moitié homme-moitié dauphin. Elle me paraissait plus réaliste. »

       Un nouvel éclat de rire.

     « J’avoue. Ah, tu m’as bien manqué, petite Jeanneton, me dit-il en m’ébouriffant les cheveux (hé !). Bon, j’y vais, ils m’attendent de pied ferme. A plus tard !

     - A plus tard ! Et ne m’appelle pas « Jeanneton », c’est vachement humiliant ! »

    Philippe me tire la langue avant de refermer la porte d’entrée sur lui. J’entends les  pneus racler à nouveau les graviers puis la voiture s’engager dans la rue. Enfin, le silence. Je bois le verre de limonade d’une traite et engloutis les deux sandwichs jambon-beurre. Je ne m’étais pas rendu compte tout de suite que j’avais une faim de loup. Je termine mon repas avec un yaourt à la fraise déniché dans le frigo et me mets en quête de me décrasser un peu.      

 

     Ma douche prise, je décide de m’allonger sur mon lit dans ma chambre. Je réponds rapidement aux deux autres textos reçus un peu plus tôt et pose mon téléphone sur la table de nuit. Une brochure placée à côté du lit attire mon attention : « La Méditerranée par le GREC ». 

alt
alt

Le GREC (Groupe de REcherche sur les Cétacés)


            LE SANCTUAIRE PELAGOS


            Au large d’Antibes et s’étendant sur une surface de presque trois fois celle de la région PACA se trouve le sanctuaire PELAGOS. Né d’un accord entre l’Italie, Monaco et la France, cet espace marin assure depuis 2002 la protection au sens législatif de tous les mammifères marins qui le fréquentent. Autant dire que la faune et la flore sauvages y sont très abondantes et diversifiées. Grâce aux différentes lois établies pour ce milieu protégé, les recherches sur les cétacés ont pu s’y développer plus facilement. Maintenant, nous en savons suffisamment pour travailler sur l’objectif premier du sanctuaire : la protection des cétacés au sens propre du terme. 

alt

     Philippe me tire du sommeil quelques heures plus tard et me propose d’aller faire une promenade sur la plage. Enthousiasmée par cette idée, je saute sur mes deux pieds et en deux temps trois mouvements, nous sommes en route. La plage la plus proche n’est seulement qu’à un ou deux kilomètres d’ici, alors nous laissons la voiture devant la maison et nous y allons à pied.


     La Mer Méditerranée est magnifique. C’est la première fois que je la vois d’aussi près. La lumière du soleil couchant lui donne des teintes jaune orangé : on dirait presque qu’elle est en feu. Quelques vaguelettes déferlent timidement sur la bande de sable à nos pieds. Je me sens vraiment bien ici. Je ferme les yeux. Philippe prend alors la parole.

     « J’ai vu que tu t’es endormie sur notre brochure ? »

     J’ouvre les yeux.

     « Comment ça, votre brochure ?

     - Je travaille pour le GREC depuis huit ans déjà.

    - T'es pas sérieux ? Tu montes sur des bateaux pour aller voir les dauphins ?

    - Observer serait le mot le plus approprié, renchérit mon oncle en riant. Mais oui, en gros, c’est ca. D’ailleurs, demain nous partons en mer. Et tu viens avec nous ! »

     J’ouvre des yeux ronds et étire un large sourire.

      « - T’es pas sérieux, là ?

    - Disons que, de base, la sortie était prévue pour hier mais la météo nous a annoncé un fort vent d’ouest. »

     Je jette un œil au ciel et à la mer. C’est marrant, elle a l’air plutôt calme vue d’ici. Mon oncle continue :

     « Nous l’avons donc reportée de deux jours. J’ai pensé que ça t’arrangerait aussi, ajoute-t-il avec un clin d’œil. »

    Je ne sais plus où donner de la tête. Trente-six mille questions me viennent à l’esprit : Comment ? Où ? Quoi ? Je n’ai jamais vu de baleines ou de dauphins, à part à la télé, sur le net ou dans les livres. Pour toute réponse, mon oncle ne fait que hocher la tête avec un sourire : « Tu verras bien demain. » Je n’ai plus qu’une seule envie : être demain. Mais d’abord, je vais devoir prendre mon courage à deux mains et appeler Maman…

 

    

Une peau burinée est une peau possédant de nombreuses marques (rides, cicatrices, etc.)

Le bastingage désigne le parapet (ou le garde-corps) élevé tout autour du bateau.

alt

Le mille (mi) est une unité de mesure de la distance en mer. Le kilomètre (km) n’est que très peu utilisé.

1 mi = 1,6 km

1 km  0,6 mi

 

La houle est un ensemble de vagues régulier. La houle du matin n’est en principe pas générée par le vent local mais plutôt par les vents qui ont soufflé pendant la nuit.

alt
alt

     Philippe ajuste alors ses jumelles dans la direction de mon regard.

     « Pas de chance, Jeanne. Ce n’est qu’un poisson-lune… »

     Pas de chance, pas de chance… Je n’en ai jamais vu, moi, des poissons-lunes ! Mon oncle semble avoir deviné mes pensées.

     « On va ralentir un peu pour l’observer, si tu veux. »

alt

     L’épisode du poisson-lune m’a redonné de la vigueur. J’entreprends de fouiller les eaux de mon regard perçant avec encore plus de minutie.

 

   Vingt minutes passent. La côte terrestre est loin maintenant. Le soleil commence à darder sur mes épaules. Je me repose quelques instants, le temps de demander à Philippe le tube de crème solaire. Je m’en applique généreusement sur les bras et les jambes et essaye tant bien que mal à m’en badigeonner sur les omoplates et la nuque. Quelque chose attire alors mon attention dans l’eau à quelques mètres seulement du voilier. Un truc transparent flottant à la surface. Et un deuxième, un troisième… Des méduses ? Je m’apprête à ouvrir la bouche quand Philippe se penche vers moi.

     « Ce sont de simples sacs plastiques. Entraînés par le courant Ligure. Il y en a tout le temps dans cette zone. Ça me fait toujours mal au cœur quand je passe par ici, d’ailleurs…»

     Des sacs plastiques ? Je suis choquée. Comment des sacs plastiques peuvent arriver là ? Philippe me répond en deux mots : pollution humaine. Ça craint. Il me tarde de retrouver mes observations. Par contre, les dauphins, eux, ne semblent pas très pressés de se montrer.

           

     Le temps passe à nouveau. De longues minutes de silence. La fatigue accumulée de ces deux jours commence à se faire ressentir. Je décide d’aller me servir un verre d’eau dans le carré. De retour sur le pont, Romain est à la barre, Sylvie prend des notes sur un calepin et Philippe s’affaire à l’arrière du bateau. Je m’approche alors de lui. Il m’explique qu’il écoute ce que capte le grand hydrophone qu’il a déployé dans l’eau voilà maintenant plus d’une heure. Avec curiosité je prends le casque qu’il me tend et le mets sur mes oreilles. Je ne sais si le bourdonnement que j’entends provient du bateau ou d’un animal quelconque mais je n’aurai pas l’occasion de le savoir. Ma tête me tourne horriblement. Je rends le casque à Philippe et m’éclipse quelques minutes dans le carré où je m‘allonge sur la banquette. C’est donc ça, le mal de mer… J’ai bien fait de n’avoir pas trop forcé sur les pains au chocolat à mon petit déjeuner…

 

     « Des dauphins à sept cents-huit cents mètres, à plus de trente degrés, s’écrie Sylvie. »

     La nouvelle me revigore immédiatement. Je saute sur mes pieds et rejoints prestement la jeune femme. Philippe m’intercepte dans mon élan et me tend une paire de jumelles.

     « Tu en auras besoin, je pense… »

     J’étire un large sourire. Je me poste auprès de Sylvie, déjà équipée de ses jumelles. A mon tour, je passe la lanière autour de mon cou et positionne l’appareil devant mes yeux. Tout est horriblement trouble. Sylvie m’aide alors à régler les molettes pour améliorer la netteté de la vision. Selon elle, les jumelles permettent de voir jusqu’à cinq cents mètres. Mais jumelles ou pas, la mer est telle que je l’ai quittée quelques minutes auparavant. Calme et paisible.

   « Je vais m’approcher un peu, indique Romain et le voilier incurve sa route.

   Finalement, je les vois. Ils sont là. Des stenella ou dauphins bleus et blancs selon les membres du GREC. Un groupe d’une quinzaine d’individus, voire peut-être même plus. Les dauphins nagent calmement, parallèlement au bateau. Je retire mes jumelles pour avoir une vue plus large. Mais ils sont encore trop loin pour être observés à l’œil nu.

     « On ne s’approche pas plus, tonton ? demandai-je.

   - Non, Jeanne, me répond-il. Cent cinquante mètres, c’est amplement suffisant… Nous sommes des scientifiques, pas une entreprise de whale-watching : on ne veut pas prendre le risque de les déranger. (Un peu déçue, je repositionne mes jumelles sur mon nez.) Mais regarde bien. Ils vont peut-être s’approcher d’eux-mêmes… »

     En effet, après trente secondes, deux formes fusent et se retrouvent en un rien de temps à l’étrave du voilier. Bientôt deux nouvelles formes rejoignent les premières. D’après Philippe, ce sont deux juvéniles et deux adultes. Je dois rêver, ce n’est pas possible ! Philippe me fait signe d’approcher. Je laisse pendre mes jumelles sur ma poitrine et prends place sur l’étrave. Je suis juste au-dessus d’eux. Je laisse échapper une larme de joie. Rien n’est plus beau que ce que je suis en train de vivre en ce moment. Je voudrais qu’il ne s’arrête jamais.


Se dit lorsque les rayons du soleil sont puissants et frappent la peau comme des dards. Synonyme : le soleil tape fort.

alt
alt

Un hydrophone est une sorte de microphone destiné à recueillir des sons sous l’eau jusqu’à plus de cent mètres . Il est très utilisé dans la cétologie puisqu’il permet d’écouter les vocalisations des animaux vivant dans l’eau. Avec les observations visuelles, on arrive ainsi à donner une signification comportementale aux sons enregistrés : la chasse, le jeu, la reproduction, l’agressivité, etc.

alt

Le whale-watching [prononcer Ouèle-ouatchin’-gue] ou tourisme baleinier est une pratique touristique permettant d’observer les cétacés dans leur milieu naturel.

L’étrave est une grosse pièce en bois ou en métal qui termine la coque vers l’avant et forme la proue d’un bateau.

     Malheureusement, les stenella ne se montrent pas aussi coopératifs et patients. Au bout d’une minute, ils décident de s’en aller. J’avoue avoir secrètement envie de les suivre mais Philippe m’avait prévenue : « On ne restera pas longtemps avec les cétacés si on en voit. ». Mon oncle semble lire cette déception sur mon visage.

     « Ne fais pas cette tête ! La journée n’est pas finie. Et regarde, ils te disent au revoir ! »

   Effectivement, au loin, le spectacle des dauphins est époustouflant : des sauts, des splashs, des saltos…

alt

   Clac clac. A côté de moi, Romain immortalise l’événement en mitraillant le groupe avec un appareil photo. J’espère vraiment qu’il me donnera tous ces clichés. Avec un sourire, je lève alors la main dans la direction des dauphins :

    « Au revoir, les amis. A bientôt. »

     J’espère juste que les deux hommes n’ont pas remarqué les larmes de bonheur qui glissent sur mes joues.


     Midi, enfin ! Mon oncle m’explique que nous devons prendre le repas à tour de rôle. Je dois donc encore patienter le temps que Romain et Sylvie déjeunent chacun leur tour, puis ça sera enfin à nous, Philippe et moi. Je reste donc près du bastingage à observer la surface (toujours si calme) de la mer tout en essayant de ne pas penser au grondement de protestation de mon estomac. Oh là là, j’ai tellement faim ! Décidément, la Science, ça creuse !

     Une demi-heure plus tard, Philippe m’appelle à table. Je suis la dernière à prendre mon repas. Au menu : une assiette de sardines accompagnées de riz. C’est la première fois que je mange des sardines. J’essaye tant bien que mal d’en extraire les arêtes. Heureusement que les autres ne sont pas là : ils s’amuseraient beaucoup à me voir martyriser mon poisson comme ça. Je me sens quand même bien seule. Un repas de midi sans personne autour de la table, c’est vachement triste. Et les discussions ? Et les potins ? J’engloutis mon dessert (un yaourt à la vanille) puis Philippe me rejoint dans le carré pour me proposer un gobelet de café. Je refuse, pas très friande du goût et de l’odeur. Mais il me force : « Nous avons encore de longues heures devant nous. Ca t’aidera à tenir. » A contrecœur, j’accepte de boire le contenu sombre du gobelet. Je rajoute même deux-trois sucres pour m’aider à avaler. Pouah ! … Bon, ça, c’est fait !


     Dix minutes plus tard, je suis de retour sur le pont. Romain écoute l’hydrophone, le casque sur les oreilles et Sylvie observe attentivement les alentours. Mon oncle, lui, est aux commandes du voilier. Je me poste alors à ses côtés et scrute la surface de l’eau, les mains autour des yeux pour me protéger du soleil.

            Au bout de quelques minutes, Romain indique à voix haute entendre des cachalots dans l’hydrophone. Ma curiosité piquée au vif, je mets le casque que le jeune homme me tend. J’émets alors un Oh ! de surprise.

alt
alt

  C’est vraiment un cachalot qui fait ce bruit ? Décidément, ça n’a rien à voir avec les chants des baleines que l’on nous passe à la télé. Romain me dit que les cachalots doivent se trouver à sept ou huit kilomètres du bateau. Inutile alors d’espérer les voir aux jumelles… Je rends le casque, un peu déçue. Mais quand même, je dois reconnaître que la portée de cet engin est incroyable !


     Des heures passent… Le déjeuner me semble bien loin. Il fait très chaud maintenant. Je ne distingue presque plus la côte. Selon Philippe, nous naviguons maintenant vers le Nord-Est à vingt-cinq milles des terres. Heureusement, une petite brise s’est levée. Je m’empresse quand même de m’appliquer une bonne couche de crème solaire sur les bras et les jambes. Je descends ensuite dans le carré pour prendre un verre d’eau et je m’affale sur la banquette. Comme ce matin, la fatigue me gagne et la tête me tourne à nouveau, malgré le café. De son poste, mon oncle me lance :

     « Repose-toi un petit peu, Jeanne. On te réveillera si on a du nouveau. »

      Je ferme alors les yeux.


     La chaleur est insoutenable, encore plus dans le carré. Je ne suis pas sûre d’avoir pu fermer l’œil, ne serait-ce que cinq minutes. Un petit réveil posé dans un coin indique 13h45. Je me lève et me sers un nouveau verre d’eau. Maman m’avait bien prévenue de m’hydrater par ces chaleurs. Pour une fois, je ne rechigne pas à l’écouter. Après avoir descendu deux autres verres, je me rallonge sur la banquette et ferme à nouveau les yeux. Cette fois, des images de dauphins sautant hors de l’eau viennent se mêler à mes pensées. Le sommeil me gagne petit à petit…

     C’est Sylvie qui vient me réveiller trente minutes plus tard, d’après le réveil. Elle m’indique que l’équipe vient de repérer un souffle à bâbord. Je me sens parfaitement en forme maintenant. Je saute sur mes pieds et suis la jeune femme hors du carré, mes jumelles en main. Le visage de mon oncle se fend d’un large sourire :

     « Tu as de la chance, toi ! Elles ne sont pas toujours aussi près, d’habitude ! ».

   De quoi parle-t-il ? Je braque impatiemment mes jumelles dans la direction indiquée par Sylvie. Rien à signaler. Juste cette même surface d’eau à peine perturbée par le vent qui semble me narguer depuis ce matin. Je vais te trouver ! Je scrute la mer à travers mes jumelles de plus en plus intensément jusqu’à ce que...


A bâbord fait référence au côté gauche d’un bateau lorsque l’on est placé dans le sens de la marche. A tribord désigne le côté droit.

    « C’est un rorqual commun, me dit Sylvie. Il est à quatre cent mètres environ. »  Je n’en crois pas mes yeux. La baleine effectue à nouveau d’autres respirations. Elle est si belle. Le voilier se rapproche un peu plus. « Une centaine de mètres pas plus, indique mon oncle ». Mais cela suffit pour l’observer en totalité. Je n’ai même plus besoin de mes jumelles. Encore une fois, l’émotion me submerge. Je ne pense plus à rien : il n’y a plus que moi sur ce bateau. Moi et le rorqual qui nage majestueusement à mes côtés. Soudain, la baleine entame une plongée et ne remonte plus à la surface. Le bateau s’arrête. La voix de Philippe vient percer ma bulle de bonheur :

     « On va attendre sept-huit minutes. Tu vas voir, Jeanne, elle ne devrait pas ressortir très loin. »

     Effectivement, quelques minutes plus tard, le rorqual brise à nouveau la surface de l’eau de l’autre côté du bateau en un souffle puissant. Je me dépêche de rejoindre Sylvie, déjà sur place en train de noter activement des choses sur son calepin. Je remarque alors des traces zébrant le dos de l’animal comme des coups de griffe.

     « C’est quoi ces marques sur son dos, demandai-je à Sylvie.

   - Ce sont des cicatrices… C’est très fréquent sur les cétacés. 

     - D’où elles proviennent ?

    - Ca dépend, en fait… Mais pour une baleine comme celle-là, ce type de cicatrice peut provenir d'une hélice de bateau qui se serait trop approché et qui lui serait passé dessus… »

     Joyeux… Je regarde le rorqual avec peine. Ce dernier éjecte quatre autres souffles supplémentaires puis disparaît définitivement. Je pousse un léger soupir de frustration. Décidemment, les instants magiques sont vraiment très brefs. C’est à ce moment-là que je vois au loin un ferry fendre la surface de l’eau.

     « Ce ferry fait la navette entre Nice et la Corse, me dit Sylvie. Il y en a plusieurs fois par jour. Dis Phil, ajoute-t-elle à l’adresse de mon oncle, tu ne trouves pas que celui-là va très vite ?

     - Si, si, c’est vrai. Vingt-huit nœuds, je dirais. A cette vitesse-là, si une baleine émerge devant lui, il ne pourra pas l’éviter… »

     Effarée, je fixe le ferry des yeux écarquillés. Sylvie me regarde avec compassion et me dit :

   « Tu sais, les grands navires ne laissent pas de cicatrices sur la peau des baleines. Quand ils les percutent, ils les tuent… »

 

    Les minutes défilent sur Anacaona. La chaleur de l’après-midi est toujours aussi suffocante. J’alterne continuellement entre mon poste d’observation et le carré où j’avale deux-trois verres d’eau à la suite. Par chance, l’excitation m’a coupé toute envie d’aller aux toilettes mais j’appréhende quand même le moment où toute cette eau ingurgitée va vouloir sortir.

     « Tenez, regardez là-bas, tout le monde ! »

     Philippe nous indique de son bras une direction que je suis immédiatement de mon regard. Pas besoin de jumelles cette fois-ci. Un autre bateau, beaucoup plus petit que le ferry, navigue à plein gaz dans la direction opposée à la nôtre. Sylvie secoue la tête avec dédain :

     « Ils vont sûrement vers le rorqual… Un avion de repérage a dû leur signaler son emplacement… Ah-ah, ils vont être contents, tous ces touristes ! Ils en auront pour leur argent.

      - C’est donc ça le whale-watching ? je demande.

    - Oui, me répond Romain qui nous a rejointes. Les opérateurs qui tirent les ficelles de ces entreprises se moquent du bien-être des animaux. Tout ce qu’ils veulent, c’est se faire un max de blé. Pour eux, si les clients sont contents parce qu’ils peuvent voir des baleines de près, c’est le principal. »

     J’ai un peu honte sur le coup. Je suis sûre que, dans un autre contexte, j’aurais adoré voir des baleines de très près. Mais après avoir vu les cicatrices du rorqual et entendu les arguments de Romain, je trouve ce comportement trop injuste, trop égoïste. Trop humain, quoi.

           

     Le petit réveil du carré indique 16h00. Notre voilier entame le trajet retour vers la côte. Philippe me dit qu’il nous faut quatre bonnes heures pour rentrer à Antibes. J’avoue espérer croiser encore d’autres animaux… Avec détermination, j’observe et observe encore la surface de cette mer qui me semble sans fin.

     Au bout d’une heure, la brise souffle avec plus de vigueur. Philippe et Sylvie ont déroulé la voile. Le bateau prend un peu plus de vitesse. Des « moutons » comme les appelle mon oncle perturbent la surface de l’eau, rendant les observations plus difficiles. Depuis tout à l’heure, Romain a repris le poste de l’hydrophone. Il semble concentré sur les sons qu’il reçoit à travers le casque. Sylvie, elle, continue les observations, mais, à la voir, je pense qu’elle a autant de difficultés que moi à distinguer quoi que ce soit.

     « Tu entends quelque chose, Romain ? demande mon oncle.

       - Oui. Des dauphins. Pas très loin apparemment…

       - On voit vraiment de plus en plus mal, ajoute Sylvie.

      - J’entends quand même des trucs assez sympas. Tu veux venir écouter, Jeanne ? Je crois que les dauphins sont en chasse… »

     D’un pas enthousiaste, je m’approche de Romain et d’un geste délicat, je mets le casque sur mes oreilles. On ne dirait pas comme ça, mais les cétacés sont vraiment très bavards sous l’eau.

alt
alt

Les moutons sont de toutes petites vagues couvertes d’écume. Elles ont ainsi un aspect plutôt blanc.

alt

     J’entends quand même en fond un bruit sourd, différent des clics des dauphins. Je rends le casque à Romain. Mon oncle prend la parole.

   « Il faudra songer à remonter l’hydro de toute façon. On approche de la côte. »

   Effectivement, de plus en plus de bateaux de plaisance à moteur naviguent vers l'avant. Ce sont sans doute eux que j’ai entendus dans l’hydrophone. Romain éteint l’appareil et le range avec soin. On remonte l'hydrophone. Il sera désormais plus difficile d’espérer voir d’autres cétacés avec tout ce ramdam. Un peu triste mais satisfaite malgré tout, je m’assois sur le pont, adossée contre le bord du bateau.

 

     « Des grampus sur la droite à cent cinquante mètres ! »

    Vite, mes jumelles ! Cette fois, je trouve du premier coup les ailerons dans mon champ de vision. Ils sont vraiment particuliers par rapport aux stenella de ce matin : grands, gris clair, zébrés de traces. Il y en a une dizaine en tout. Des dauphins de Risso, apparemment. Qu’est-ce qu’ils sont beaux !

Faire du ramdam signifie faire beaucoup de bruit. Cette expression est synonyme de faire du boucan.

alt

     Mais les grampus s’éloignent déjà rapidement du voilier, dans une autre direction. Nous ne les suivons pas. Il est déjà plus de sept heures et le soleil commence à décliner vers l’horizon. La fatigue de la journée me gagne alors petit à petit.

      « J’ai réussi à prendre des photos des grampus, me dit Romain. Je te les enverrai avec celles des stenella avec plaisir. »

     J’arrive à lui esquisser un sourire. Ce garçon a tout pour lui, mignon et très gentil.

     « Je t’apprendrai à tourner autour de ma nièce, toi ! »

    Nous rions tous de bon cœur. La journée a été excellente pour tout le monde.

 

       Une heure plus tard, Anacaona fait doucement son entrée au port d’Antibes. La mer a retrouvé son calme du matin et la plupart des bateaux de plaisance sont rentrés. « Il y a sûrement un match de foot à la télé ce soir », plaisante Sylvie. Je suis assise à l’étrave du voilier, regardant d’un œil las mais serein les badauds qui se promènent à quai. Il est plus de huit heures et demie. Il est l’heure pour les touristes de se trouver un bon restaurant ou de manger une glace en se promenant sur le bord de mer. Philippe s’approche de moi et me tend mon téléphone portable avec un sourire.

   « Merci, tonton ! », lui répondis-je avec reconnaissance.

     J’avoue être quand même très fière de moi : j’ai réussi à me passer de mon téléphone pendant pratiquement une journée, ce qui est un record historique ! Par contre, ce n’est pas le cas de Maman. Vingt-quatre SMS en attente, rien que ça ? Je ne peux m’empêcher de soupirer…

 

     Le voilier accoste délicatement à l’endroit quitté ce matin. Philippe et Sylvie descendent dans le carré trouver de quoi grignoter et « finir cette journée en beauté ». Romain reste avec moi sur le bateau pour ranger le matériel d’observation. Je lui tends mes jumelles.

     « Alors ? me demande-t-il. T’en as pensé quoi ?

     - Tu plaisantes ? J’embarque pour la prochaine sortie quand vous voulez !

    - C’est la fièvre de la cétologie, ça. Par contre, il faudra que tu te déniches un peu de Biafine…

    - Pourquoi tu dis ça ? demandai-je, véritablement étonnée.

      - Parce qu’avec le coup de soleil que tu as chopé sur le visage, tu vas avoir très mal d’ici peu…

        - QUOI ?! »

     J’active le mode selfie de l’appareil photo de mon téléphone. Oh mon Dieu ! Ces marques autour de mes yeux… On dirait…

      « Hé oui, on ne pourra pas dire que tu as passé ta journée sur internet, Jeanne. »

     La voix familière de mon oncle accompagnée d’un rire féminin m’indiquent que lui et Sylvie sont de retour sur le pont. Les trois membres du GREC me dévisagent quelques secondes puis éclatent de rire.

    « Le soleil et les lunettes t’ont laissé une belle trace… »

      Je finis par me joindre à l’éclat de rire collectif. Que de souvenirs à ranger dans ma mémoire aujourd’hui ! Je sais que j’ai vraiment été chanceuse d’avoir aperçu toutes ces espèces mais, au fond, il y a encore une petite déception personnelle : je n’ai pas vu mon saut de baleine au coucher du soleil. Romain me donne une poignée de chips que je fourre avidement dans ma bouche. De toute façon, ce n’est sûrement pas ma dernière sortie en mer avec le GREC…


Un badaud est un individu qui s’attarde à regarder le spectacle de la rue. On pourrait aussi l’appeler flâneur.

CREDITS


SCENARIO

Alexandre GANNIER

Paméla VALADOUX


CREDITS VIDEOS CETACES

Stéphane BOURREAU


REALISATION/DEVELOPPEMENT WEB

Paméla VALADOUX



En Mer avec le GREC

alt

~ Juin 2016 ~

Pour profiter au maximum de toutes les fonctionnalités de ce long format, merci de l'ouvrir sous Google Chrome.


     Six heures du matin. L’alarme de mon téléphone retentit pour la deuxième fois en deux jours à cette même heure. Mais passer la journée sur un bateau me réjouit beaucoup plus que les heures passées dans le train la veille. Je descends prendre mon petit déjeuner. Philippe est déjà dans la cuisine en train de préparer du café et du chocolat chaud. L’odeur du pain au chocolat tout juste sorti du four chatouille mes narines.

      « Hmm, ça sent bon, dis-je en prenant place à table. La journée commence vraiment très bien !

    - En parlant de ça, j’ai eu ta mère hier au téléphone. (Philippe ajoute avec un clin d’œil). J’emmène la crème solaire et des cachets contre le mal de mer, juste au cas où. »

 

     Nous arrivons au lieu de rendez-vous à sept heures. Le soleil est déjà levé et entame sa montée dans le ciel. J’ai bien fait de prendre mes lunettes de soleil, je sens que je vais en avoir besoin. Le voilier Anacaona se dresse fièrement devant moi, tout au bout du ponton. Il est magnifique. J’emboîte le pas de mon oncle et nous montons à bord. Un jeune homme dans la vingtaine nous accueille chaleureusement. Il s’appelle Romain, est étudiant en biologie marine et est un habitué des sorties. Très mignon, d’ailleurs. Romain et mon oncle s’éclipsent dans la cabine du voilier pour les derniers préparatifs. Une dernière personne s’active également sur le pont. Il s’agit de Sylvie, une femme brune d’une trentaine d’années. Elle et Romain sont tous deux membres du GREC, tout comme mon oncle. Et au vu de la couleur burinée de leur peau, ils doivent avoir passé énormément de temps en mer sous le soleil. D’un coup, j’ai un peu honte de mes membres à la couleur cachet d’aspirine.

      Je m’approche de mon oncle pour lui proposer mon aide mais Romain et lui quittent aussitôt la cabine d’un pas assuré en vue de finaliser le départ. Ils ont l’air de savoir ce qu’ils font. Tant mieux pour eux, moi non. Je trouve alors un petit coin pour m’asseoir. Philippe me donne alors le tube de cachets contre le mal de mer. « Tu devrais en prendre un, Jeanne. Conseil de tonton. » Avec une moue, j’ouvre le tube et avale un comprimé. C’est vrai que ça m’ennuierait vraiment de passer toute la journée la tête par-dessus le bastingage.

 

     Dix minutes plus tard, les amarres sont larguées et le voilier quitte le ponton sous la conduite de Romain. Je suis excitée comme une puce. Je reste attentive à tout ce qui se passe dans mon environnement, du couple de goélands qui volent au-dessus de nous jusqu’au ronronnement du moteur. En regardant de plus près dans la cabine, que Philippe appelle le carré, un ordinateur tourne à plein régime. Peut-être que l’on peut capter la 4G en pleine mer ? Je sors mon téléphone pour le vérifier - Ah, un texto de Maman de bon matin (elle ne dort donc, jamais ?). Le réseau est très faible mais je m’en fiche. Tout ce que je veux, c’est profiter de mes mégapixels pour prendre de super photos. Mon oncle vient alors à ma rencontre.

      « Au fait, Jeanne, est-ce que ça te dérangerait de laisser ton téléphone dans le carré pour la journée ? Tu sais, on va vraiment  avoir besoin de toi sur le pont…

     - Oh non, bien sûr que non, répondis-je. Mais je voulais m’en servir pour prendre des photos des animaux… J’ai oublié mon appareil photo à Barr...

    - Tu sais, le zoom de ton téléphone ne sera pas assez puissant pour avoir un bon rendu, continue mon oncle. Mais, ne t’inquiète pas, nous avons déjà plein de photos au local. Nous te les enverrons, si tu veux.

     - Alors, ça me va, dis-je en lui donnant mon téléphone. Prends-en soin, il y a toute ma vie dedans ! »

    Dans un éclat de rire, mon oncle s’éloigne prenant la direction du carré. Je me sens un peu triste, démunie de mon téléphone. Mais je connais Philippe, je sais qu’il le rangera avec soin. Le voilà d’ailleurs qui revient à ma rencontre.

      « Nous avons une mission spéciale pour toi, reprend-il. Tu vas devoir occuper un poste d’observation précis toute la journée. Je t’en dirai plus le moment venu. Là, ajoute-il, je vais t’expliquer le trajet que nous allons faire : on l’appelle "le Petit Triangle".

     Le trajet du Petit Triangle fait environ une centaine de kilomètres (à peu près cinquante milles selon Philippe). Au cours de la journée, nous devrions faire une ou deux observations et même sûrement entendre des cachalots. Trop chouette !

 

   L’Anacaona quitte le port puis petit à petit le cap d’Antibes. Nous sommes seuls sur la mer mis à part quelques canots de pêche. Sylvie et Philippe se postent chacun d’un côté du bateau et commencent à balayer les eaux de leur regard. Une paire de jumelles pend sur leur poitrine. Je décide alors de me lever et de m’approcher de mon oncle. Je suis la direction de son regard, espérant apercevoir un dauphin. Mais rien ne vient perturber la surface de l’eau.

       « Tu vois, Jeanne, me dit mon oncle à voix basse. Nous sommes entrés dans le sanctuaire Pelagos En plus, le temps est idéal pour une sortie d’observation. Pas de vent, une très légère houle… Nous sommes très bas dans l’échelle de Beaufort

      - Et vous cherchez quoi, au juste ? lui demandai-je sur le même ton. Je peux vous aider. 

      - Hé bien nous sommes à la recherche d’ailerons ou de splashs. Enfin, tout ce qui pourrait signaler la présence des cétacés.

      - A l’œil nu ? Vous n’utilisez jamais vos jumelles ?

  - Si, bien sûr, mais seulement pour préciser une observation… »

    Je m’applique alors à faire comme eux. Je scrute avec détermination la surface de l’eau. Selon Philippe, les ailerons peuvent être détectés jusqu’à cinq cents mètres. Mais la mer reste totalement paisible.

   Le moteur du voilier ronronne. Tout le monde est silencieux et attentif. Romain s’est également joint aux observations. De longues minutes passent mais je suis bien trop excitée pour me laisser gagner par l’ennui. Surtout que je sais que le sanctuaire Pelagos est une zone riche en mammifères marins. Je l’ai lu pas plus tard que hier après-midi. Soudain, je pousse un cri.

       - « Un aileron, là ! Je vois un aileron ! »